la jalousie entre nos enfants.


La jalousie entre frères et soeurs peut prendre une telle ampleur que toute la famille peut en être déstabilisée. Comment expliquer ce phénomène? Comment y remédier? Explications.


Manon a 15 ans. Sa soeur, Léa, vient de fêter ses 13 ans. Lorsque Léa est née, leur mère, Sandrine, se souvient que Manon a eu une réaction assez violente: "Elle refusait de regarder sa petite soeur, voulait qu'on la ramène à l'hôpital et pouvait même avoir des gestes un peu brusques envers elle."


Une animosité qui s'est ensuite calmée, les deux filles devenant même"inséparables dans leur petite enfance. Cela a changé quand elles sont entrées toutes les deux dans l'adolescence, il y a deux ans, reprend Sandrine. Léa est devenue jalouse de sa soeur. Elle estime être lésée en permanence, compare ses notes avec les siennes au même âge, lui emprunte ses habits, voudrait avoir les mêmes permissions de sortie, etc. C'est devenu ingérable."



"Au-delà d'une rivalité 'saine', je sens que Léa vit mal le fait que sa soeur soit un peu plus grande et élancée qu'elle. J'ai beau essayer de la rassurer, de lui montrer qu'elle a autant de charme que Manon, rien n'y fait", se désole Sandrine.




"La jalousie est inévitable"



L'histoire de Manon et Léa est assez emblématique des différentes formes que la jalousie peut prendre dans une fratrie. "C'est un cliché dépassé de penser que seul l'aîné est jaloux des autres, ou que la place du milieu est la plus inconfortable", commente Didier Pleux, psychologue et auteur de Frères et soeurs, les erreurs à éviter dans la fratrie (éd. Eyrolles).

"La jalousie entre frères et soeurs est d'une certaine manière inévitable, quelle que soit le rang de l'enfant dans la fratrie, ajoute-t-il. Je ne crois pas à l'empathie naturelle de l'enfant. Ce dernier a besoin d'être guidé par ses parents et entouré pour parvenir à gérer certains sentiments", affirme le spécialiste.






"La fratrie se construit sur une relation affective imposée"


Dans Frères et soeurs, une maladie d'amour (éd. Fayard), Marcel Rufo, ne dit pas autre chose: "Certains parents sont intimement convaincus que leurs enfants, nés dans l'amour, s'entendront parfaitement. Je suis désolé de leur dire que c'est une erreur, écrit-il. La fratrie se construit sur une relation affective imposée. Celle-ci, comme dans la plupart des formes d'attachement, s'établit sur la quotidienneté, les choses partagées." Pour le pédopsychiatre, la jalousie "permet de faire le deuil de la toute-puissance de l'enfant roi."


Sur ce point précis de la jalousie de l'aîné, Didier Pleux renchérit: "Il est toujours difficile pour un enfant de devoir soudainement partager l'amour de ses parents. Mais lorsque l'enfant n'a pas été exagérément adulé, qu'on en a pas fait un roi tyrannique en lui accordant tout ce qu'il désirait, il peut tout à fait gérer ce nouvel arrivant, voire même trouver des avantages à cette compagnie."


"Le tout, reprend Didier Pleux, étant de ne pas lui mentir en lui assurant que rien ne va changer avec l'arrivée du petit frère ou de la petite soeur. Mieux vaut jouer la carte de l'honnêteté, le prévenir que dans les premiers temps, il y aura en effet des moments où ses parents s'occuperont plus du bébé que de lui, tout en ménageant des instants pour cet aîné."
"Elle me volait la vedette"


Reste que si ces sentiments négatifs "se cristallisent", ils peuvent devenir "toxiques", "perturbant non seulement la vie de la famille mais aussi le développement psychologique du jaloux". Carole, 42 ans, s'est rendu compte tardivement des dégâts que cette jalousie intériorisée avait provoqués en elle.


"J'ai une soeur de trois ans de moins que moi. Nous avons toujours eu une relation assez conflictuelle, sans pour autant que cela me semble très grave. Parallèlement, j'ai développé dès la fin de mon adolescence, une anxiété assez handicapante. Jusqu'à faire des crises de panique telles que je suis allée consulter une psy."


"C'est au fil de mes séances que j'ai réalisé que je m'étais construite sur une culpabilité, souligne Carole, celle de ne pas aimer ma soeur parce qu'elle me volait la vedette et que la petite fille que j'étais ne l'acceptait pas. Selon ma psy, cette culpabilité a sûrement à voir avec mon anxiété. Et depuis que j'ai renoué avec ma soeur, que je lui ai confié cette jalousie que j'avais toujours éprouvée, je me sens bien plus légère."
"Dire les choses telles qu'elles sont"


La jalousie "offre une extraordinaire opportunité pour se dépasser, progresser et se construire, explique Marcel Rufo. La nier est le plus sûr moyen de la renforcer, au point parfois de la transformer en une pathologie entraînant des troubles du sommeil ou des troubles du caractère. Les jalousies réprimées ou refoulées remplissent les cabinets des psychiatres et des psychologues. L'enfant jaloux est convaincu que, si les parents ne supportent pas sa jalousie, c'est parce qu'ils préfèrent 'l'autre'."


Un sentiment naturel, donc, mais qui nécessite d'être surveillé par les parents, pour qu'il ne prenne pas des proportions ingérables. Cela commence, recommande Didier Pleux, par une nécessité à "poser des mots sur ce qui se passe et dire les choses telles qu'elles sont. Nier les différences évidentes qui existent entre chacun de ses enfants ne leur rend pas service."
Admettre la singularité de son enfant


Bien sûr, il ne s'agit pas de dire à une de ses filles qu'en effet elle est moins intelligente ou jolie que sa soeur, ou à son fils que son frère le battra toujours en maths. "Mais on peut par exemple dire à cette adolescente qui regarde sa soeur qu'elle trouve plus belle, que certes son aînée est davantage dans la séduction, mais que l'on trouve qu'elle a pour sa part une aptitude à se faire des amis vraiment exceptionnelle."


De cette façon là, on ne compare pas, mais on souligne ses forces tout en ne niant pas qu'en effet, on peut comprendre qu'elle se sente parfois dévalorisée vis-à-vis d'une soeur très séduisante. "Si ces choses ne sont pas dites", insiste Didier Pleux, elles seront intériorisées, déformées et amplifiées.


Autre conseil dispensé par le psychologue: veiller à passer des instants privilégiés avec chacun de ses enfants. "Bien sûr, les moments en famille sont importants, parce qu'ils créent une cohésion et des souvenirs communs. Mais en s'accordant ce temps en tête-à-tête, on peut montrer aux uns et aux autres que l'on a reconnu leur spécificité." En emmenant par exemple une fan de foot au stade, un amoureux du cinéma voir un film ou en prenant une heure pour faire un gâteau avec le petit dernier qui adore ça, etc. "C'est de cette manière là que l'on favorise l'acceptation de soi, en admettant la singularité de son enfant, cette fois-ci non pas par la parole, mais par les actes."





Quant aux arbitrages parentaux, ils sont indispensables lorsque les jalousies s'expriment sous la forme de conflits permanents. Mais attention à ne pas sombrer dans l'autoritarisme, prévient Marcel Rufo: "Je recommande toujours à ceux qui viennent me consulter de veiller, en prenant position, à ne pas laisser supposer qu'ils soutiennent systématiquement les plus jeunes."


Le pédopsychiatre conseille aussi aux parents "de contrôler leur propos, d'en bannir les petites phrases assassines qui sont souvent culpabilisantes, aggravant les sentiments de frustration et enflammant les rancunes entre les protagonistes." En définitive, les parents n'ont d'autre choix que de s'armer de patience pour écouter la version de chacun et reconnaître les torts des uns et des autres. "L'idéal est de solliciter la capacité des enfants à trouver eux-mêmes une solution qui, dans la mesure du possible, satisfera tout le monde. "


La fratrie est ainsi une mini société qui a besoin de règles pour que les enfants ne se laissent pas dominer par leurs pulsions. Les parents ont ce rôle, parfois ingrat mais essentiel, de faire respecter ces règles. Mais qu'ils se rassurent. Comme le rappelle Marcel Rufo, "le lien fraternel s'installe dans la continuité et dans le temps. Sa longévité est d'ailleurs bien plus grande que celle du lien filial: on est généralement plus longtemps frère ou soeur que fils ou fille." Autrement dit, même si certaines jalousies ou rancoeurs peuvent subsister à l'âge adulte, lorsque la médiation parentale a été efficace, la relation de fraternité ou de sororité a toutes les chances de s'épanouir dans le temps.



https://www.lexpress.fr/styles/enfant/la-jalousie-dans-une-fratrie-est-elle-inevitable_1959220.html


source de cet article dont le lien est erroné sur l'express, je le copie car je le trouve extrêmement intéressant à partager..

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